ME
NU

Caché dans le nuage

CACHE' DANS LE NUAGE

Et nous avons contemplé sa gloire" (Jean 1,14)

 

Le nuage cache toujours quelque chose: il cache les étoiles ou le ciel bleu ou le sommet des montagnes. En même temps toutefois le nuage apporte, ainsi qu'un don gratuit, une défense à la brûlure du soleil, un soulagement à la terre assoiffée, l'annonce des saisons.

Notre Dieu arrive à nous caché, mais concret. Il se cache dans la nuée de notre chair d'homme et dans la nuée de nos expériences. Il s'entoure de la nuée des paroles humaines qu'il fait arriver à nous. Une nuée qui ne passe jamais en vain. Celui qui sait et qui est attentif peut pénétrer au-delà de chacune de ces nuées pour jouir du Soleil et cueillir le message et l'apaisement qu'elles transmettent même quand elles cachent la grandeur, la beauté et la puissance de l'amour de notre Dieu.

Le cœur de l'homme bat de la même façon depuis des siècles et des millénaires. Les hommes qui ont eu à faire avec Dieu ont réagi comme réagissent ceux qui ont à faire avec Dieu aujourd'hui.

Dans les très brèves phrases que nous ont laissés les Evangélistes sont cachées des heures et des journées denses de vie et de conséquences pour l'existence entière. Notre expérience soulève un petit peu le voile à ces paroles qui, de façon tellement concise, présentent les personnes qui ont vécu de près le fait central de l'histoire: la naissance de Jésus.

Leur expérience illumine la nôtre qui n'est pas moins importante. Eux ont vu la naissance du Fils de Dieu dans l'histoire, nous, nous voyons la naissance du même Fils dans les cœurs: celle-ci est le fruit de celle-là, son achèvement. Nous sommes encore plus chanceux, encore plus responsables. Nos yeux voient un noël continuel. Le Fils de Dieu reçoit chaque jour la vie et l'existence moyennant notre devenir fils pour Dieu. Chaque jour, Il reçoit de nous "la chair", il reçoit énergies et lieu pour vivre et opérer.

Rien n'est impossible à Dieu!

Et nous devenons le cadre, beau ou taché, attrayant ou rebutant, de son travail!

don Vigilio Covi

 

TABLE DES MATIERES

Marie p. 3 les mages p. 17

Zacharie

Hérode 

Elisabeth

Siméon 

Jean

Anne 

Marie

Les grands prêtres et les scribes 

Joseph

Marie et Joseph 

Les bergers

Jésus 

 

 

MARIE

Lc 1,29

"A ces paroles elle fut troublée "

Quand j'essaie de vivre avec Dieu, en intimité avec Lui, il me semble qu'il s'agit d'une action à moi, une façon que j'ai de le satisfaire, s'il est possible de s'exprimer ainsi à son égard. Savoir qu'il est tout près, que sa Présence se fait petite et secrète jusqu'à occuper mon cœur, cela m'apaise. Une paix profonde enveloppe mon esprit, calme mon âme et fait reposer chaque fibre de mon corps. Une paix qui fait apparaître belles toutes les choses et qui permet d'accueillir tout évènement.

Ce n'est certainement pas mon action, ma recherche, qui produit un si grand bien-être. C'est sa Présence.

Ma recherche d'intimité c'est seulement mon réveil, le fait de m' apercevoir de sa Présence. C'est Lui qui agit et transforme. C'est Lui la paix de l'homme, son repos.

Mais voilà qu'en cette paix, en cette eau tranquille, Dieu immerge son doigt! Un mot, un devoir, une mission. Il s'est aperçu de ma disponibilité et à présent il la touche. Le cœur parvenu à la paix, Dieu peut le posséder et ... l'employer comme un instrument adapté à son amour.

Au plus profond de la paix de l'homme, voilà qu'une Parole de Dieu se fait entendre. Peut-être ne veut-il pas la paix du cœur. Mais non, c'est que le cœur qui repose en Lui est le plus adapté et prêt à recevoir la Parole. Le cœur abandonné au père c'est celui prêt à recevoir le Verbe, le Fils.

Mais il s'agit toujours d'un cœur d'homme. Et ce qu'il y a encore d'humain s'agite lorsque le plus léger toucher de Dieu l'atteint.

Le cœur de Marie, parvenu à la paix de Dieu, immergé en Lui, se trouble. Tout s'agite encore en elle! C'est un grand émerveillement: Dieu l'a aperçue et lui a adressé la parole.

Elle-même ne s'apercevait presque plus de soi.

Dieu s'aperçoit d'elle, sa Parole la frappe. Elle en est troublée.

Juste au moment où il lui semble d'avoir atteint la plénitude, le but final de l'existence, d'être parvenue à la paix, juste en ce moment la Parole de Dieu arrive à l'improviste et la secoue.

L’homme se sent découvert et appelé. Appelé à une nouvelle dimension de paix avec les autres hommes.

Et on recommence le travail, la fatigue de s'abandonner, de s'immerger de nouveau en Dieu, non plus tout seul, mais avec tous les liens et les relations avec les autres hommes et avec l'univers entier, avec toute l'histoire. On s'achemine de nouveau, d'une paix déjà reçue à une paix nouvelle, plus étendue, plus coûteuse.

On renouvelle une mort plus profonde, publique et durable, pour que puisse recevoir la vie, croître et se manifester la Vie véritable!

Marie est "troublée". Un trouble passager, jusqu'à ce qu'elle s'apercevra que la parole qui la touche et l'appelle c'est la Parole de son Dieu et père qui avait rempli son cœur de sa paix. Voilà, je peux me fier de lui, c'est en lui que je veux placer toute ma confiance. " Qu' il m'advienne selon ta parole". C'est le retour de la paix sereine qui explose en joie publique, comme est à présent publique la Parole reçue qui transforme sa vie en une vie de mère:

"Mon esprit tressaille de joie en Dieu, mon Sauveur".

Mon cœur est troublé. Lorsque Dieu m'adresse une parole, ma vie court vers la mort. Lorsque la Parole du père m'atteint, voilà, il veut faire en moi une place pour son Fils. Mon moi, si petit et corruptible, se trouble parce qu'il rencontre une nouvelle mort mais dès qu'il cèdera et laissera toute la place à la Parole, alors une nouvelle Vie surviendra en remplissant tout, tel un nouveau royaume pour toujours: c'est ta Vie, Jésus.

 

 

ZACHARIE

Lc 1,20

" Tu seras met et tu ne pourras parler jusqu'au jour…"

Il y a des paroles qui passent et des paroles qui ne passent pas.

Il y a des paroles qui font partie du monde qui s'éteint et des paroles qui viennent du monde qui dure pour l'éternité.

Les unes et les autres sont prononcées par mes lèvres en sortant de mon cœur. La bouche, en effet, exprime ce qui est l'excédent du cœur. Mon cœur est comme un récipient capable de contenir des trésors sans fin et également des fanfreluches destinées au feu.

C'est de là que viennent les paroles. La bouche se meut pour exprimer des désirs, des pensées, des jugements, des observations, des exclamations, la volonté. Ma bouche se meut aussi pour exprimer les désirs, les pensées, les observations et la volonté de Dieu!

Mais souvent ce que je dis, mes paroles, même si ce sont les paroles de Dieu, ne touchent pas le cœur des hommes, ne produisent aucun fruit, elles sont stériles.

Je m'aperçois alors d'être muet. Comme si j'étais muet. Comme si mes paroles étaient de l'air qui sort des poumons sans rien communiquer, sans donner la vie, sans faire grandir en celui qui m'écoute l'amour et la joie et la force et la consolation et la grâce qui sont propres de la vie.

Comment se fait-il que mes paroles soient stériles? Comment se fait-il que ce qui sort du cœur soit sans vie ?

Me voici muet.

Cela a été terrible pour Zacharie de se retrouver à l'improviste incapable de dire quoi que ce soit. Mais pour lui c'était une grâce, un don de Dieu. De son cœur qui doutait de Dieu, qui n'a pas pris au sérieux la Parole de Dieu, de son cœur devenu désobéissant par suite de l'insuffisance de son intelligence qui ne comprenait pas que Dieu était supérieur à l'expérience de l'homme -qui, après un certain âge, ne peut plus avoir d'enfants- de son cœur bloqué dans l'abandon à Dieu, aucune parole de vie n'aurait plus pu sortir.

Zacharie aurait pu et su prononcer seulement des mots inutiles, sans vie, stériles; seulement des paroles de convenance, des paroles sans lumière divine, sans attraction au Seigneur. Ses paroles n'auraient plus été messagères d'amour et de confiance en Dieu, elles n'auraient plus été signe ou "ombre" de la Parole, du Verbe obéissant en tout au Père, du Fils saint et éternel. Les paroles de Zacharie, s'il avait pu parler, auraient été des paroles capables de mettre en évidence son incrédulité, la force de son raisonnement, l'impuissance de l'expérience de l'homme et auraient caché au contraire la toute puissance et la supériorité de Dieu! C'auraient été des paroles de mensonge, de ténèbres, de ces ténèbres qui veulent recouvrir la lumière de Dieu.

Le voilà muet. Dieu même l'empêche de devenir esclave des ténèbres.

Dieu ne m'accorde pas cette grâce. Mais il me permet de m'apercevoir si mes paroles sont stériles, si elles ne communiquent pas la sagesse, ni la joie ni la consolation. Il me permet de voir si mes sermons de prêtre ne donnent pas de force aux cœurs qui écoutent, si mes entretiens avec les personnes n'illuminent pas des voies nouvelles pour le chemin de leur foi, si mon salut à ceux que je rencontre sur la route ne communique pas l'amour de Dieu. Et alors ... alors c'est un signe que dans mon cœur quelque Parole de Dieu a été refusée. C'est un signe de ma désobéissance et de mon manque de confiance dans la promesse du Père, c'est le signe que j'ai soumis les invitations de Dieu à mon raisonnement.

Je resterai muet, mes paroles seront stériles jusqu'au jour où mes lèvres ne s'ouvriront qu'aux louanges de Dieu. Jusqu'au jour où j'aurai fait une nouvelle expérience d'abandon et d'obéissance au Père, jusqu'à quand sa Parole n'aura trouvé en moi un terrain pour germer et grandir.

Alors ma vie sera de nouveau un don de Dieu et non seulement les paroles sortant de mes lèvres mais aussi ma présence silencieuse communiquera quelque chose de la Vie qui est dans le Fils de Dieu!

Zacharie recommença à "parler" quand il voulut dire: Beni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, parce qu'il a visité et délivré son peuple", c'est-à-dire lorsque Dieu devint à nouveau son Dieu, plus important que lui-même.

 

 

ELISABETH

Lc 1,24

"elle conçut et se tint cachée durant cinq mois.

Voilà ce qu'a fait pour moi le Seigneur au temps où il lui a plu d'enlever mon opprobre parmi 1es hommes "

L'homme ne se met pas toujours en évidence. Il y a eu et il y aura des périodes de ma vie où j'ai cherché -et je chercherai- de me cacher.

Je crois que la cache fait partie de la vie authentique, comme pour la plante qui doit rester cachée sous la terre jusqu'à ce que la semence n'est pas morte, comme pour l'eau qui doit courir sous les cailloux, cachée, jusqu'à ce qu'elle trouve l'espace pour se donner, comme pour la vie de l'homme qui doit rester cachée dans la mère jusqu'à son heure.

Lorsque Dieu me touche et s'unit à moi -et il ne manque pas d'appeler à ces rendez-vous les fils destinés à lui ressembler- je cherche inévitablement une cachette, faite de silence, de simplicité, d'espace vide et libre de toute autre chose ou personne. On dirait que la présence des autres me vole quelque chose, m'enlève un je ne sais quoi de précieux et de vital. Ils me détachent presque de la présence de Dieu, qui est la seule que j'ai trouvée pleine et que je voudrais déguster, et dont je voudrais me laisser remplir.

Elisabeth se tint cachée durant cinq mois. Elisabeth s'est sentie privilégiée par Dieu. Elle a compris que quelque chose d'encore plus caché est né en elle, d'intime et secret. Et la voilà alors participer à cette cachette et elle se retire. Elle vit dans un désert nouveau, cherché, créé autour d'elle. Elle avait fait l'expérience du désert, se sentant inutile à la vie car elle était stérile, et tous ceux qui vivaient et s'agitaient autour d'elle lui rappelaient ce qui lui manquait. Elle voyait dans tous les hommes des fils, elle qui n'en avait pas. Et elle était isolée. Obligée à rester exclue de la vie. Désert aride, cuisant, mortifiant.

A présent elle continue mais ce n'est pas la même chose. A présent c'est le désert qui cache et protège la vie. C'est un désert de joie et de consolation Un désert qui est préparation au retour parmi les hommes.

Elle se tint cachée durant cinq mois. Un désert nécessaire: dans ce désert elle est encore adressée, avec ses pensées et son cœur à elle-même; elle voit Dieu penché sur elle. C'est la période de passage. Elle s'était vue refusée par le Seigneur durant tous les ans de sa vie et à présent le Seigneur l'accueille. A présent elle se contemple encore comme accueillie par Dieu et jouit de ce don qui lui est fait. Et dans le don de Dieu qu'elle a reçu elle constate la bienveillance du père à son égard. Plus de honte! Plus d'humiliation! Elle est maintenant comme toutes les femmes !

Ce sont cinq mois de joie, cinq mois de louange à Dieu pour ce qu'il lui a accordé, cinq mois d'attention à elle-même.

C'est un désert qui prépare une nouvelle saison.

Cinq mois pour préparer Elisabeth à voir son propre don comme un don de Dieu à l’humanité, comme un don du père au Fils, cinq mois pour se préparer à s'unir au père pour donner son fils, pour considérer le don reçu comme un devoir, pour comprendre que son propre fils n'était pas destiné à elle, pour sa personnelle satisfaction, mais que ce fils était pour elle l'occasion de se donner, de se sacrifier, d'offrir soi-même au Seigneur pour le salut des hommes.

Des mois de retraite pour Elisabeth parce que mois de maturation, de passage de la possession égoïste du don de Dieu à l'union de soi, de sa propre vie, à ce don! Le passage de la réception au don, de l'attention à soi (qui produit honte avant et ensuite vanterie) à l'attention aux projets de Dieu.

Seulement après cette maturation, après ce passage lent mais nécessaire, Elisabeth sera prête à rencontrer la Mère qui l'approchera au Seigneur !

Ma retraite, mon désert terminera. C'est toujours et seulement un passage. C'est un lieu de maturation.

Un lieu où je devrai me détacher de moi-même, apprendre à détourner mon regard de ma vie sans me complaire si le père y a posé le sien. S'il va m'enrichir de dons, ce ne sera pas pour ma gloire mais parce que ma vie puisse entrer en un service plus plein et prêt à sa volonté. Si le Père m'a donné quelque chose, il m'en demandera le fruit parce qu'il a caché dans mon cœur une semence; je cherche le désert, j" essaierai de rester caché: la semence de Dieu lorsqu'elle germera et donnera le fruit, enlèvera ma vie de l'ombre, de la protection, et la mettra sur le boisseau. Mais ce n'est pas moi qui veux le faire. Je ne connais pas le temps de Dieu. Cinq mois? Même plus s'il le veut. Et encore de nouveau, chaque fois qu'il veut se servir de ma vie pour répandre la sienne.

 

JEAN

Lc 1,41

"L'enfant tressaillit dans son sein "

Il arrive de temps en temps que j'éprouve une grande joie, une de ces secousses intérieures qui me font heureux sans qu'il y ait une raison extérieure qui puisse justifier cet état. Ma vie intérieure a subi quelque impulsion secrète qui porte tout mon être à exulter et jouir. L'interrogation que je me pose de savoir la raison de cette agréable surprise trouve une réponse lorsque je contemple les enfants. Les enfants jouissent d'une liberté toute particulière. Une liberté où peuvent se manifester avec évidence et certitude les fruits de l'esprit qui s'approche d'eux. Tu t'approches d'eux avec un esprit superficiel, ou de possession, ils se réfugient ailleurs, ils s'enfuient. Tu t'approches avec respect et amour, ils restent sereins et limpides. Tu t'approches avec liberté, tu leur parles de Jésus, tu leur donnes seulement son Nom avec amour pour Lui, et ils jouissent, ils ouvrent le cœur, les yeux, le visage à une nouvelle lumière claire. La joie de la vie, la beauté de la création, la suavité d'une force intérieure les effleure. Le Nom de Jésus qui parvient à leurs oreilles, prononcé par l'amour, les fait vivre. Même la seule présence de Jésus dans ton cœur, s'il est présent, les attire. Et les parents sont obligés par l'inerme violence de l'enfant de s'approcher à Jésus, de laisser vibrer leurs entrailles comme si une petite violence intérieure produisait une révolution dans leur propre histoire, dans leurs décisions autosuffisantes, dans les certitudes qu'ils ont acquises.

Jean, sans conscience et sans capacité de voir et d'entendre, caché dans sa mère, vit, protégé de tout: seul l'esprit peut l'atteindre et l'agiter de l'extérieur. Une autre Mère s'approche à la sienne. Il ne la voit pas, il ne l'entend pas. Mais il sent s'approcher l'Esprit de son Seigneur, de celui à cause duquel il naîtra, vivra et mourra. Une rencontre mystérieuse, muette, de deux vies renfermées et protégées dans l'obscurité. Deux vies qui ont déjà un nom, secret. Personne ne le prononce encore, mais il existe déjà! "L'enfant" encore incapable d'une propre vie, est capable d'une propre joie! L'approche de Jésus est plénitude de vie, l'approche de Jésus est le but de tout, c'est atteindre tout. La joie de l'enfant caché est violence pour Elisabeth, sa mère. Une douce violence qui l'éveille, qui la rend attentive et la pousse à la docilité.

Elle se demande la raison de la joie subite de son fils, du fruit de ses entrailles: une joie qui atteint celui qui ne peut encore rien décider. Comment peut-il jouir, se réjouir, tressaillir? Lui qui encore ne possède pas toute la vie a été atteint par la Vie. La mère s'en aperçoit, elle qui sait bien que la joie ne vient pas du monde et des choses et promesses du monde, elle s'aperçoit d'avoir été précédée et avertie et vaincue par qui peut recevoir une impulsion seulement de la part de l’esprit. Elle s' aperçoit que son fils a constaté la présence de Celui qui donne plénitude et signification à toute chose et à toute vie !

Il commence déjà, sans en être conscient, sa tâche!

Il annonce à présent à sa propre mère la présence de Celui qui la sauvera, comme il l'annoncera ensuite, avec toute autre véhémence, à des hommes esclaves du mal ayant besoin de secousses violentes et fortes pour s'en débarrasser et s'en libérer.

Seulement par l'esprit Jean reconnaît et reconnaîtra le Seigneur.

Sa vie devra se méfier de tout ce que ses yeux découvrent et de ce que sa chair sent: elle le portera à douter, à être incertain, à interroger. Seul l'Esprit, qui précède et ne tient pas compte des évidences et des expériences de haine et de mort, seul l'Esprit lui révèlera, pour sa joie et sa paix, la présence et la grandeur de l'amour de l'Epoux.

Comme un enfant je veux me laisser toucher par ce que mes yeux ne voient pas et par ce que mes sens ne touchent pas. La vie, la vie véritable et éternelle du Fils de Dieu, m'atteint dans les ténèbres, dans la nuit, lorsque intelligence, sentiments et sens se taisent. Lorsque je ne permets pas aux hommes de m'influencer avec leur haine et leur péché, quand je ne fais pas attention aux hurlements qui se croisent autour de moi, quand je reviens avec mon cœur à l'écoute secrète de Celui qui s'approche de moi -secret Lui aussi- alors ma vie exulte et en moi un nouveau chant -comme d'un enfant ignare- apporte à mes jours douleur et force.

Je retourne enfant et je pourrai entendre ce que personne n'entend, je pourrai être touché par ce que personne ne peut toucher, je pourrai jouir de joies cachées et ainsi -sans le savoir- éveiller les cœurs pour qu'ils s'aperçoivent d'une autre Présence.

 

 

MARIE

Lc 2,7

"Elle l'enveloppa de langes

et le coucha dans une crèche"

Un esprit bizarre -si l'on peut dire ainsi- possède les personnes qui se font conduire en simplicité par Dieu. C'est un esprit de prophétie. Elles ne s'imaginent même pas que leurs actions sont dirigées de loin et préludent à des faits lointains, faits où Dieu même agira. Mais Dieu même donne à l'avance des signes et des paroles, Dieu même veut presque pré-annoncer, mettre au courant ses amis plus attentifs et plus simples sur ce que sont ses intentions et à quels évènements il va les préparer.

Les faits de ma vie ont eu tous le même Coordinateur et ont été permis et accueillis par le même père dans sa sagesse. Je ne peux pas dire qu'ils aient eu le même Auteur parce que quelquefois j'ai laissé agir en moi quelqu'un qui n'était ni l'Amour du père ni l’amour du Fils.

Les faits qui m'ont touché dans la vie, petits et grands, ont par conséquent tous une signification unitaire et profonde. Mais pour découvrir cela ou pour le voir simplement, il faut la transparence de l'eau vive et la finesse de l'air pur, il faut laisser complètement sa vie, avec son intelligence, sa mémoire, sa force, sa volonté, à la merci de cet Esprit qui conduit tout évènement vers le but final;

un geste simple, le plus naturel que Marie pouvait faire et qu'elle a accompli certainement dans l'ignorance de mes pensées, me communique à présent des messages grands et glorieux.

Elle a enveloppé le corps nu et fragile de son petit enfant dans les langes. Elle l'a déposé dans un endroit simple et protégé. Certainement elle ne savait pas que son geste si spontané était déjà le prélude d'un autre geste qu'elle même aurait accompagné. Le même Esprit guidait ses mains et son cœur. Langes et grotte changeront de nom et deviendront linceul et sépulcre: ce sera encore elle qui enveloppera et déposera. Et ce sera encore Lui, ce Fils, qui sera enveloppé et déposé. Marie dès le début possédée par le Saint Esprit qui met en mouvement l'histoire selon des desseins d'amour, annonce un nouveau commencement, celui définitif. Cet enfant sortira de cette crèche pour être adoré, ce corps enveloppé sortira du sépulcre pour être glorifié. L'esprit de prophétie conduit les mains de Marie, sans même qu'elle s'en aperçoive! Elle le prépare à la gloire!

Le Saint Esprit qui à travers toute circonstance et à travers toute chose veut nous parler du Fils, qui veut nous faire connaître et accueillir l'amour du père, voilà qu'il fait accomplir à Marie un geste qui nous annonce quelque chose.

Le père mettra Jésus là où tout le monde le verra et lui, le Fils se mettra là où il pourra être mangé.

Le Saint Esprit aujourd'hui m'approche de la table où ma vie se nourrit et grandit vers l’éternité et là où l’Esprit même me prépare encore un Corps à manger, un pain qui est la Vie de ce Fils.

Les mains de Marie, instruments sans le savoir de l'Esprit de Dieu, sont pour moi prophétie, elles me donnent la joie de savoir que dès le début ce Fils a été déposé dans une crèche pour que les hommes - étant malheureusement des animaux - puissent s'en nourrir et devenir fils.

Mais le même Esprit est encore à l’œuvre et souffle et meut mains et cœur d 'homme pour annoncer et donner amour et nourriture divine.

Le reconnaître? Oui, c'est important mais c'est un don de lumière que Lui-même accorde à celui qui ne le prétend pas!

Plutôt laisser qu'il conduise mes mains et mon cœur: afin que mon cœur et mes mains deviennent un signe pour ceux qui savent lire les signes, même si je ne le sais pas, et afin que mon cœur et mes mains portent cet Amour qui, même s'il n'est pas déchiffré, contient la puissance et le cœur et la sagesse de mon Dieu.

Le même Esprit meut encore les gestes des hommes et les faits du monde qui deviennent et sont pour moi des signes : les signes du temps. Signes qu'il est temps d'aimer, qu'il est temps de laisser faire à Dieu, qu'il est temps de lui confier ma vie, qu'il est temps de me laisser envelopper et déposer avec le Fils de Dieu par les mains des hommes. Et ces mains seront comme des mains de mère qui, sans le savoir, réalisent un amour plus grand et préparent un amour plus lointain et parfait.

C'est l'Esprit de prophétie, l'Esprit de Dieu. Mes yeux sont presque constamment embrumés, ils ne voient que l'apparence: comme des yeux qui voient bouger les pantins sans s'apercevoir de Celui qui les bouge et qui leur donne la voix !

Viens, Saint Esprit! Pour que je voie au-delà, pour que l'entrevoie l'Amour

du père et, en acceptant tout évènement avec sérénité, pour que je me prépare à cet évènement qui m'est toujours annoncé et demandé: ma déposition dans la crèche du monde, ma rencontre avec le sépulcre, et ma sortie glorieuse vers l'Amour du Père.

 

 

JOSEPH

Mt 1,25

"Il l'appela Jésus"

Vivre simplement et obéir avec amour aux invitations et aux commandements de Dieu rend l’homme sage et estimé par les autres hommes. Celui qui vit ainsi fait tout naturellement et spontanément comme si c'était la façon la plus évidente et claire, presque l'unique, d'exister.

Il sait que tout a origine en Dieu et que de Dieu est le mérite de la bonté et de la réussite de toute œuvre, pour petite qu'elle soit.

J'ai envie de rougir -je ne dis pas de honte, mais comme pour un mensonge manifeste bien qu'involontaire- lorsque quelqu'un me remercie ou me loue pour quelque parole ou pour quelque action que j'ai accomplie. Je l'ai fait seulement pour obéir à Dieu parce que j'ai trouvé sa Sagesse très opportune et véritable, et les hommes s'arrêtent pour me regarder et me louer. Comme si on faisait un monument au marteau et au burin du sculpteur d'une œuvre d'art.

Je sens de voler quelque chose à Dieu mais je n'y peux rien! Parfois on ne peut même pas parler, il faut se taire et laisser croire que, si, c'est mon mérite. Seulement dans la profondeur de mon cœur je garde le secret, je loue le Seigneur, Lui qui seul est capable de m'ouvrir les yeux, de les ouvrir aux autres pour qu'ils reconnaissent ce qui vient de Lui/même si c'est au moyen de mes mains ou de ma bouche.

C'est ainsi que cela doit être arrivé à Joseph. Il recevait les éloges de tous: lui, le menuisier, père d'un enfant adoré par les anges, par les bergers, par les rois mages, craint par Hérode.

Il recevait les éloges, l'estime et l'honneur.

Et il pouvait seulement rougir. Il ne pouvait dire à personne ce que lui seul savait. Il ne pouvait dire à personne l'œuvre du Saint Esprit. Lui-même ne l'avait pas compris par la raison mais seulement par don divin survenu dans le sommeil pendant que ses facultés reposaient. Il comprenait la prière que son peuple répétait souvent "don de Dieu sont les fils". Lui n’avait fait absolument rien, il n'avait même pas choisi le nom de son fils. Celui-là aussi lui avait été donné pendant qu'il dormait! Personne le sait. Il ne peut le dire à personne. Il reçoit l'éloge des hommes, éloge injuste. Cet éloge pour lui c'est la mémoire de sa croix, de la dernière place qu'il occupe, du renoncement continuel qui lui est demandé.

C'est aussi la mémoire de son choix d'obéissance totale à Dieu. C'est le rappel à ce que Dieu a pu accomplir moyennant ses "oui" répétés à sa Volonté grâce à sa continuelle et complète disponibilité.

Voilà la seule chose, le seul mérite de Joseph: il a seulement dit "oui" dans son cœur. Il a seulement obéi.

Il n'a pas le mérite d'avoir pris quelque initiative, ni d'avoir usé l'intelligence pour trouver quelque solution aux problèmes, ni d'avoir trafiqué des talents particuliers de ruse ou de puissance. On ne dit même pas s'il a eu des capacités spéciales de prière.

Son seul mérite c'est d'avoir eu le cœur libre de ses initiatives, prêt pour celles de Dieu. Un cœur disponible, abandonné tout à fait et pour toujours à la Volonté savante de Dieu.

Peut-être il savait, en tous cas il croyait, que Dieu était plus intéressé que lui-même à sa vie et il se fiait. Dieu même était intéressé à la vie de son épouse et il se fiait. Dieu même était intéressé à la vie du fils nouveau-né: il lui avait même suggéré le nom. Et Joseph sent que la confiance que Dieu lui accorde -à lui, homme- est si grande, et il ne la mérite sûrement pas. Une seule attitude lui est possible: c'est de s'abandonner encore plus décisivement et d'obéir sans tarder. Il l'appela Jésus.

Les hommes qui me louent comprendront un jour. Quand Jésus aura grandi à leurs yeux ou plutôt quand leurs yeux s'ouvriront pour le voir et le contempler, alors ils ramèneront tout aux justes proportions et il verront la réalité. Ils comprendront alors que je suis un homme comme eux et eux comme moi.

Mais ils pourront alors se rendre disponibles à la voix de Dieu et se préoccuper seulement de réaliser la Parole qui sort de sa bouche. Lorsqu'ils comprendront que le don reçu par Joseph a été une croix pour lui et lorsqu'ils verront que sa croix a été le don le plus grand qu'il pouvait recevoir, alors leur cœur et leur bouche s'ouvriront pour louer le Seigneur. Alors leur cœur et leurs mains s'offriront à l'abandon aux signes de Dieu. Seulement alors ils comprendront que l’homme n'a pas besoin d'être loué, que l’homme de Dieu rougit comme pour une injustice et un mensonge s'il reçoit des honneurs. Et que ceux-ci sont seulement une tentation et une croix pour lui.

Mais pour le moment je ne peux rien dire. Seulement invoquer la lumière et une grande miséricorde sur tous les hommes pour qu'ils arrivent à recevoir et à prononcer avec amour ce nom seulement: Jésus.

 

 

LES BERGERS

Lc 2,20

" et les bergers s'en retournèrent glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu 1 ils avaient vu et entendu selon ce qui leur avait été dit "

La vie continue avec ses rythmes habituels. Le jour succède à la nuit, la nuit recouvre la lumière du jour. Les hommes travaillent le jour et donnent la nuit ou bien la nuit ils font le mal qu'ils ne peuvent commettre le jour.

Ils obligent ainsi d'autres hommes à veiller sur leur propre vie et sur leurs propres choses. Les hommes ne savent pas construire du nouveau. Les nouveautés durent peu et rentrent dans l'ordre de la normalité. Les nouveautés des hommes accélèrent seulement leur rythme d'attention et de peur, de joies aussitôt éteintes par les souffrances et le péché.

La véritable nouveauté peut survenir seulement du dehors, de là-haut. Et elle est arrivée. Ce n'est pas un fait, ce n'est pas un évènement de l'histoire, cela n'a pas une grande importance. C'est simplement une autre vie. C'est un autre homme, petit et inerme comme les autres. La seule différence c'est que de lui on a déjà parlé et entendu parler.

Mon cœur d'homme me le disait: quelqu'un viendra, je le rencontrerai finalement, un homme tout fait d'amour. Un homme capable d'aimer comme je voudrais l'être, un homme capable de se laisser aimer par moi, même si je suis si pauvre et mesquin et incapable d'un grand amour. Quelqu'un doit venir qui sache apprécier ce peu d'amour qu'il y a dans mon cœur et qui reste malheureusement caché parmi mes péchés. Les hommes voient mes péchés; quelqu'un viendra qui saura voir ce peu d'amour! Les hommes ne m'estiment pas digne et ne se laissent pas aimer par moi, ils veulent toujours payer mon amour, me récompenser, me le rendre.

Personne n'accueille pleinement ce que je veux donner. Quand viendra celui qui aura un amour si grand qu'il acceptera le don de ma vie, alors ce sera un jour nouveau; alors une lumière sans fin se fera, capable d'illuminer les ténèbres et toutes ténèbres ne seront plus obscures au point d’empêcher de marcher ensemble avec les autres hommes.

Les bergers en ont entendu parler. Ils sont simples mais capables de distinguer le bêlement de chaque brebis et de distinguer les bêlements de douleur et ceux de la joie, ils savent aussi distinguer les voix des hommes des voix des anges.

Ils ne cherchent pas les signes de la grandeur, ils ne sauraient s'approcher aux signes de la puissance et de l'intelligence. Ils savent lire les signes de la pauvreté, ils savent les lire même la nuit car ils sont habitués à ne voir rien! Les voici s'acheminer "sans hésitations" là où les messagers de Dieu les envoient. Messagers de Dieu! Oui, il n’y avait pas d'intérêt dans leurs paroles, il n’y avait pas de peur, il n’y avait pas ce que d’habitude il y a dans les messages provenant de l’homme.

Dans le message reçu dans la nuit il y avait seulement de l'amour: un amour caché, dont on ne voyait ni le commencement ni la fin. Mais un amour concret, avec des signes concrets. Et au concret on répond par une course "Allons voir". Ils trouvent seulement et rien de plus que ce qu'ils s'attendaient. Ils trouvent un enfant normalement enveloppé de langes avec des parents normaux. C'est un don pour eux? Oui, c'est un don, un don vivant: pour qu'il reste tel, il est demandé que celui qui le reçoit se fasse don pour lui. C'est le don le plus grand car il accueille ma vie, il accepte que je l'aime comme je peux, comme un pécheur.

Les bergers lui donnent leur voix. Leur cœur déborde de la joie de se sentir aimés, de se savoir accueillis, la joie de savoir d'avoir été choisis pour voir la Vie. Leur vie n'est plus la même qu'avant. Ils continueront à veiller la nuit sur leurs troupeaux, ils iront encore à la recherche d’herbe et de sources d'eau, ils tondront encore leurs brebis et seront attentifs aux bêlements: mais ce sera différent. Ils savent que Lui vit pour eux, ils savent qu'ils vivent pour Lui. La vie n'est plus fermée, le ciel n'est plus un bol renversé sous lequel ils doivent trimer, la terre avec sa nuit et ses brèves journées n'est plus une ennemi. A présent il y a l’ami.

Ma vie aussi s'est transformée comme celle des bergers. Rien de nouveau au dehors. Je fais ce que je faisais. Mais à l'intérieur tout est nouveau. Je ne suis plus seul: c'est Lui, l'Ami. Il est né, il est vivant. Même si je ne le vois plus ou s'il s'est caché parmi les hommes, il y est. Dans le secret

de la nuit je lui ai donné et je continue à lui donner ma vie. Il accepte chaque geste de mon amour. Je suis un pécheur mais son regard couvre la multitude de mes péchés parce qu'il regarde dans la nuit et qu'il voit même l'amour caché dans mon cœur.

Les bergers retournent en parlant à tous de Celui qu'ils ont rencontré, avec la joie de celui qui vit une vie différente, nouvelle, lumineuse. Ma bouche aussi s'ouvre pour parler de Lui. Et de qui d'autre on pourrait remplir le monde sinon de celui qui remplit le cœur?

 

 

LES MAGES

Mt 2,11

"puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et

de la myrrhe "

Nombreux sont les trésors des hommes. Chaque homme en cache une bonne quantité. Il les tient cachés parce qu'il a peur des autres hommes, ou bien il les laisse voir, il les expose bien pour être admiré, pour être considéré, pour être craint. Alors son trésor c'est ce désir de vanité ou d'orgueil.

Moi aussi j'ai mes trésors. J'en ai accumulé et j'en ai laissé perdre beaucoup durant le cours de ma vie. Les trésors de la terre ont cet avantage: ils perdent facilement leur valeur. Ceci pourrait être une aide pour l’homme qui devrait ainsi être porté facilement à chercher des trésors éternels, mais l’homme, au contraire -mon cœur d'homme- ne se résigne pas si facilement aux déceptions et il cherche la revanche. Il veut être roi. Il tend à être roi. L'homme voit, dans le roi, celui qui a la liberté, qui peut faire ce qu'il veut. Il voit dans le roi celui qui est honoré et servi par d'autres hommes inférieurs à lui. Il voit dans le roi celui qui possède tout ce qu'il peut rêver. Au fond, dans le roi, il voit celui qui peut satisfaire sans honte et sans empêchements ses passions.

Voilà le trésor caché, auquel l'homme est lié et auquel il soumet tous ses trésors. C'est l’homme normal. Cet homme vit en moi aussi. Je désire la liberté, de pouvoir faire ce que bon me semble! Je désire être aimé, estimé, vivre longtemps pour voir les hommes se plier devant moi, vivre toujours! Je désire des richesses, pour pouvoir faire l'aumône, bien sûr! Mais je désire des richesses estimées par le monde !

Les Mages avaient ces choses-là. Ils en avaient abondamment. C'étaient de vrais rois! Ils possédaient de l'or, des richesses précieuses, qui leur permettaient la liberté de faire et d'avoir selon leurs désirs. Ils possédaient l'encens, c'est-à-dire l’honneur et la gloire des hommes: Ils étaient admirés et servis comme si leur visage eût été lumineux. Ils possédaient la myrrhe, la possibilité de rester ici -bas longtemps, au-delà de la mort, de laisser ici quelque chose de soi, au moins leurs propres noms, le nom de leur famille de façon à être encore honorés et servis dans leur descendance! Ils avaient ces choses-là mais ils n'étaient pas encore contents. Ils cherchaient, ils voulaient trouver quelque chose de plus sûr qu'eux-mêmes. Au fond ils sentaient que -bien qu'étant rois- ils l'étaient seulement aux yeux d'hommes mortels et selon des conceptions et des points de vue destinés à finir.

C'est pourquoi ils cherchaient. Il ne leur manquait pas l'intelligence ni la prudence pour chercher. Eux aussi, bien qu'étant rois, trouvent quelque chose la nuit seulement. Leur intelligence et leur or n’illuminent pas suffisamment.

Leur désir est toutefois sincère et celui qui scrute les cœurs et les juge les a trouvés dignes de son amitié. C'est le Roi de l'univers, le père des peuples et il trouve que ces cœurs de roi sont suffisamment petits pour pouvoir les remplir de soi. Il se sert non de ce qu'ils ont en plus des autres hommes, mais de ce qui les rend pareils aux autres pour se rencontrer avec eux. Il se sert de leur humilité et simplicité. Le signe de l'étoile pouvait être comprise par leur intelligence, mais accueilli seulement par leur humilité.

Et seule leur simplicité pouvait regarder l'enfant dans les bras de sa Mère avec des yeux capables de voir en lui divinité et royauté. Un grand changement survient en eux comme par miracle. Cet enfant change leur vie. C'est lui le véritable roi. C'est lui qui doit recevoir l’honneur et la gloire des hommes, c'est lui qui saura administrer l'or avec désintéressement et sans le désir de s'enrichir, c'est lui qui doit rester pour toujours sur cette terre! C'est lui qui doit pouvoir faire ce qu'il veut car ce qu'il veut sera garantie de liberté pour tous! Ils ont trouvé celui auquel appartient leur titre de roi, celui auquel peut même appartenir leur règne avec leur propre vie! Dans ses mains on peut mettre l'or, garantie de liberté, devant lui l'encens, garantie d’honneur et de gloire; on peut lui donner la myrrhe, sûreté d'un futur stable.

Une petite lumière dans la nuit, comme un éclair rapide qui perce les ténèbres des pensées du monde, m'a révélé à moi aussi la grandeur de cet enfant. Dans ses mains mes trésors les plus précieux deviennent encore plus resplendissants. Cette petite lumière devient peu à peu la seule, elle devient un soleil constant.

Mes trésors appartiendront à Lui. Il est encore petit, sa Mère les recevra pour Lui. Je dépose à ses pieds ce que l'écrin de mon cœur protège jalousement: l'amour des richesses, le désir de la gloire, la volonté de liberté, la soif d'un futur assuré par celui qu'on aime. Dans ses mains tout cela portera plus de fruit. Je me retrouve le cœur vide: vide de liberté, vide du désir d'avoir, vide d'affections humaines. Vide, mais libre! Libre de recevoir la vie de cet enfant avec ses désirs et ses richesses! Il est riche de pauvreté, il est riche d'obéissance et de chasteté! Lorsqu'il déversera en moi ses trésors reçus des cieux, ma vie deviendra la vie d'un roi; je re cherche plus rien, je re cache plus rien. Ces trésors je peux les donner sans les perdre et leur valeur ne diminuera jamais. Ils me garderont caché pour toujours dans le cœur de Celui que tous les cœurs recherchent.

 

 

HERODE

Mt 2,3

" à ces mots le roi Hérode se troubla et tout Jérusalem avec lui "

Les troubles des hommes sont de nature différente, ils dérivent de causes diverses mais ce sont toujours des signes qu'un tremblement plus ou moins profond secoue les fondations. Chaque homme croit et veut que ses propres fondations soient stables, éternelles. L'édifice de la vie qu'il y a construit au dessus doit arriver intact au-delà de la mort. Si les fondations bougent tout est en danger, tout perd sa sécurité, il faut recommencer de nouveau. L'homme voudrait éviter les fatigues intérieures, il désire donc que tout reste stable. Forts et valables sont les désirs nourris toute la vie et qui l'ont fait fatiguer et suer: le désir de richesses, d'un travail stable, d'une position sociale, de tâches honorées et enviées, d'une famille à soi, d'une maison. Ces fondations de la vie il les apprécie même chez les autres, il les voit même comme uniques pour eux aussi et c'est sur la base de ces fondations qu'il juge et éloge les agissements des hommes. Ainsi tout procède dans l'ordre, dans les règles, dans la normalité. Ainsi sa propre vie conserve de la valeur aux yeux de tous.

Hérode était tranquille. Sa position de roi normal, de roi envié et de roi respecté, était sûre et ferme. Personne n'osait mettre en discussion sa sécurité et il jouissait de pouvoir continuer sans préoccupations son métier de roi. Ce qu'il faisait c'était à faire: tout le monde le lui disait. Mais qu'est-il arrivé ce jour-là? Un tremblement de terre? Oui, un tremblement intérieur d'invraisemblable puissance. Des gens ignares et bizarres, contents et sérieux, vont lui demander une nouvelle. Il ne la connaît pas mais de là survient pour lui une question:

Un autre roi? Qui suis-je- donc moi? Peut-être quelqu'un regardera à lui plutôt qu'à moi? Ils m'aimeront moins que lui? Le tremblement devient toujours plus fort. Il secoue les fondations: alors, j'ai tout raté? Ce que j'ai fait est-ce que je n'aurais pas dû le faire? Aurait-il fallu que je tienne compte qu'il y avait un autre roi? Ne puis-je continuer à faire et à vivre comme auparavant? Dois-je tenir compte de lui, de ses désirs et de ses volontés?

Le tremblement entraîne tous, tous ceux qui comptaient sur lui. Eux aussi ne se sentent plus sûrs. Qu'arrivera-t-il? Si celui que nous avons servi n'est plus sûr ni stable, nous devrons changer? Le tremblement est général comme le trouble et l'incertitude. Ceci arrive parce qu'ils ne savent pas. Ni Hérode ni les habitants de Jérusalem savent que le roi qui est né ne portera pas sur sa tête des couronnes de gloire, il ne cherchera pas d'être servi, il ne remplacera personne. Ce sera un roi qui mettra de nouvelles fondations au cœur des hommes à la vie et à la fatigue de chacun et aux agissements de tous. Il sera lui-même fondement stable et éternel pour chacun et pour la ville. Il est venu pour déraciner ce qui était planté sur un terrain ébouleux et instable et pour planter dans un terrain plan et hospitalier. Il est venu pour être un rocher pour ceux qui veulent construire pour toujours! Il est venu pour ouvrir des horizons infinis à ceux qui regardent seulement au jour suivant. Il est venu pour donner la gloire de Dieu à l'homme qui ne sait chercher que celle de la terre.

Si Hérode le savait son trouble se transformerait en une joie irrésistible. Si la ville le croyait, ce serait une fête continuelle. Mais l'un et l'autre sont tellement attachés au passé qu'ils n'acceptent d'autres garanties pour leur futur. Ils gardent les yeux tournés en arrière et dorénavant ils ne veulent que ce qu'ils possèdent déjà.

Hérode n'est pas le seul. Moi aussi j'ai été troublé.

Lorsque je croyais d'être sûr et que personne n'aurait eu plus rien à me dire et ma vie se déroulait comme j'en étais convaincu et comme je voulais, alors quelqu'un m'a parlé d'un autre roi, différent que moi. Il était roi pour toujours et avait lui aussi des désirs, une volonté et quelques projets sur ma vie •. Cela a été comme un tremblement de terre et tel il est resté jusqu'au jour où j'ai dit à mon cœur: Tais-toi car c'est sa Voix qui doit parler. Il connaît l'histoire, il a dans ses mains les clés de l'avenir et tout lui appartient. Chaque vie est précieuse à ses yeux et la mienne règne davantage quand c'est à Lui qu'elle sert.

Alors le tremblement cessa, le trouble s'apaisa et plus rien ne s'agita désormais. Grâce au nouveau roi mon royaume présumé, fondé seulement sur mon cœur, a trouvé une nouvelle stabilité en Le servant. Ce que je croyais mien je le lui ai donné et Lui m'a donné du sien.

Ce tremblement continue à agiter la terre et beaucoup de cœurs sont troublés. Mais lorsqu'ils se consignent au Roi et qu'ils cherchent seulement sa royauté sur eux, alors une paix nouvelle descend sur eux comme il n'en avaient jamais joui avant! Lorsqu'ils acceptent qu'Il conduise leur vie, ils découvrent d'être nés à une vie nouvelle, sous un nouveau Soleil. Et cette vie et ce Soleil ne seront jamais plus refroidis par aucun brouillard qui désoriente. La ville qui suivait mes désirs restera encore troublée jusqu'à quand, comme moi, elle n’acceptera le nouveau Roi. Alors ce sera une fête et une joie grande. Je vais l'attendre.

 

 

SIMEON

Lc 2,28

" Il le reçu dans ses bras, le bénit et dit : Maintenant, Seigneur, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix"

On sait que les moments de l'attente sont les moments plus vécus par l’homme: en ces jours ou en ces heures lorsqu'il attend quelqu'un ou quelque chose, il jouit, il travaille, il prépare, il pense et il met en mouvement toutes ses énergies.

Mais on ne sait pas avec autant de certitude que toutes les attentes, les plus diverses, déçoivent dès qu'elles s'achèvent. Seule une attente, lorsqu'elle s'achève, déverse dans notre cœur et pour toujours la paix et la plénitude.

Toutes les attentes, lorsqu'elles sont comblées, laissent l'espace à d'autres. Une seulement est différente: c'est l'attente de Jésus.

Celui qui attend Jésus, quand celui-ci arrivera, entrera dans une paix stable, car Jésus introduit dans les cieux, dans la plénitude de Dieu. Il est la paix, et lorsqu'il arrive dans un cœur, dans une vie, il ne peut que la remplir, la porter à la perfection.

J'attends Jésus. Déjà pendant l'attente il anticipe le fruit du don de sa Présence. Pendant que je l'attends; déjà cette attente comble mon cœur de joie et de sérénité! Comme s'il était déjà présent.

J'attends Jésus. Il ne convient pas d'attendre quelque chose ou quelqu'un d'autre: il passera et je resterai vide. L'expérience parle clair. Non seulement mon expérience mais celle de l'histoire, celle des peuples dit: la seule attente qui comble c'est celle de Jésus. Lorsqu'il arrive, notre vie a atteint son sommet et pourrait laisser le monde si ce n'était pour quelques tâches à l'égard de ceux qui attendent encore.

Ainsi que St Paul affirme après avoir été rejoint par Jésus: il vaut mieux laisser ce corps, à moins qu'il ne soit utile pour vous que je reste!

Siméon, peut-être pour l'âge ou parce qu'il n’entrevoyait pas des tâches particulières, déclare solennellement et ouvertement la fin de sa vie. Il a fini d’attendre, il a fini de vivre. Il a vu cet enfant, il a vu Jésus, il n'a plus rien d'autre à voir. Il n'a plus besoin de vivre parce qu'il vivait pour l'attendre, pour le voir. Cet enfant qui ne sait porter que son nom, remplit les attentes de cet homme. Dans ses bras, ce Nom a un poids incalculable, mais c'est le Nom qui porte sa vie, c'est le Nom qui porte les siècles de son peuple, c'est le Nom qui enveloppe de lumière les hommes et les évènements de chaque nation qui a vécu, vit et vivra sous le soleil.

Dans ses bras le Nom de Jésus devient si grand qu'il occupe tout l'espace, même si les langes recouvrent un poids léger. Siméon a vécu dans l'attente de ce jour."Il le vit et jouit". Cet enfant ne lui a rien donné, il ne lui a donné ni de l'or ni même des paroles de sagesse. Il ne lui a donné aucun signe, il ne lui a rien promis. C'est pour cela que dans le cœur de Siméon la joie est grande parce qu'elle est libre. C'est une joie libre de soi. C'est la joie qui vient de l'achèvement de l'attente d'un amour véritable.

L'amour véritable attend Jésus parce qu'il est bon pour Lui d’arriver, pour qu’Il reçoive la gloire, pour qu'il puisse accomplir sa tâche, pour qu'il puisse achever sa mission. L'amour véritable attend Jésus pour pouvoir se donner à Lui, pour pouvoir concrètement Lui donner la vie, pour pouvoir mettre à Sa disposition les jours, les années, les énergies, la santé, la volonté, l'affectivité, la mémoire, l'intelligence. L'amour véritable attend Jésus pour se laisser sauver par Lui, selon sa manière de sauver. Siméon attendait Jésus avec un véritable amour: à présent qu'il est arrivé, il n'a plus rien à attendre!

Il n'attend pas Jésus pour qu'Il lui allonge la vie, pour qu'Il le rende agréable aux hommes, pour qu'Il le soulage dans la souffrance, pour qu'Il l’allège de ses responsabilités. Non. Il l'a attendu parce que c'est le Sauveur et Lui sait comment sauver. A présent qu'il y a le Sauveur, les peuples sont sauvés, le monde est réglé, les espoirs ont de quoi être comblés.

J'attends Jésus. Il m' arrive fréquemment d'attendre pour un instant ou pour une journée, ou pour un mois quelque chose d'autre. Je m'aperçois ensuite que c'est du temps perdu. Je dois apprendre à remplir toutes les attentes avec l'attente de Jésus ou à les remplacer par celle-ci. Pour les autres aussi j'attends Jésus. Beaucoup de monde s'adresse à moi avec l'attente dans le cœur. Ils attendent de moi, ou du monde, ou d'eux-mêmes quelque chose. Je les aide alors quand je les déçois aussitôt afin qu'ils n'attendent rien d'autre que Jésus. Sinon je leur prépare des déceptions plus grosses. Pour toi, j'attends Jésus.

Pour moi et pour toi je voudrais l'attendre seulement avec un amour véritable: je désire qu'il puisse être accueilli, qu'il puisse parler et être obéi promptement; je désire qu'il puisse rencontrer les regards des hommes, le mien! et les purifier; je désire qu'Il puisse trouver quelqu'un prêt à se mettre a sa disposition pour ses désirs: l'attente c'est la préparation de mon cœur à ne pas avoir de projets, de volonté, inclinations, de hobbies, d'occupations bonnes; je le prépare vide, pour qu'il, me trouve aussi tôt disponible à l'aimer sans perdre de temps, sans qu'il ait à attendre que je termine quelque chose que j'ai voulue!

Quand il vient, ma vie peut disparaître: seule la sienne devra apparaître durant les jours et les œuvres qu'il me demandera de lui offrir pour qu'Il puisse porter le salut en d'autres cœurs.

 

 

ANNE

Lc 2,37 b

"Elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière "

Les hommes aiment commander, ils n'aiment pas servir. Ou du moins ils veulent faire ce qu'il leur semble bon. La liberté est désirée et cherchée avec toute diligence. Je me suis aperçu toutefois que même le mot liberté peut être traduit par l'autre, le service! En effet je remarque que lorsque je cherche la liberté, c'est pour pouvoir me servir moi-même! Je veux servir mes envies, mes projets, quelquefois même mes passions. Et j'appelle ce service liberté! Ce serait plus juste de l'appeler esclavage. C'est un esclavage qui obéit aux humeurs du moment et qui se laisse entraîner par les conditions atmosphériques comme par les jugements des autres hommes. Il a l’apparence de la liberté, mais il ne porte pas les fruits de la véritable liberté du cœur, il ne porte pas au développement, des valeurs personnelles, ni des capacité d'amour, de bonté, de disponibilité, de générosité, de fidélité, il ne donne pas une empreinte originale à la vie.

Ce type de liberté qui tend à servir soi-même met le cœur en proie à une quantité de craintes. La crainte de ne pas jouir suffisamment, la crainte d'être inférieur aux autres, la crainte du jugement des voisins, la crainte des intentions des hommes, la peur de tomber malade, de ne pas arriver à faire, de perdre sa place, la peur de ne pas gagner suffisamment, la peur de mourir tôt et la peur de mourir tard. La liberté devient l'esclavage des choses et l'esclavage de la personne. Anna, vielle femme de quatre-vingt-quatre ans ne cherchait pas la liberté. Elle était en harmonie avec le mot "service". Elle voulait servir. Ses attentions étaient adressées à Dieu, à ses désirs, à sa volonté, à sa gloire. Ses réactions et son regard vers les hommes et les choses étaient pleins de la lumière venant de sa Présence. Cette Présence était pour elle plus importante que la sienne: c'est Lui qui doit être aimé par les hommes, c'est Lui qui mérite d'être écouté, c'est Lui qui, tout en n'ayant besoin de rien, est digne de tout posséder. C'est sa Sagesse qui gouverne d'un amour prévoyant toutes choses et les porte à la perfection avec patience mais certitude. Lui aussi existe et est présent de façon plus stable et continue que les hommes et les choses.

Pour Anne la Présence de Dieu est devenue si lumineuse qu'elle ne distingue plus le jour de la nuit. Qu’il y ait le soleil ou qu'apparaisse la lune dans le ciel, rien ne change dans son cœur: là, au fond de l'âme, une lumière éblouissante envahit tout.

Anne sert Dieu. Elle a découvert dans le service de Dieu une telle grandeur qu'elle ne le laisse plus ni dans la maturité ni dans la vieillesse. Le service de Dieu la rend libre des choses et des personnes. Elle manifeste cette liberté et en même temps elle continue à la recevoir moyennant le jeûne et la prière. Le jeûne manifeste sa liberté par rapport aux choses, à elle-même, à ses propres désirs et, même, exigences: ce jeûne est le signe concret de la Présence de quelqu'Un plus grand qu'elle-même, digne d'une attention plus grande ! La prière manifeste sa liberté par rapport aux personnes.

Le rapport avec Dieu est plus décisif que celui avec les personnes qui nous entourent et il occupe le cœur en le remplissant de son amour pour tous!

Si Anne avait été préoccupée de soi-même, elle aurait été tourmentée par le désir d'avoir des rapports diversifiés avec les docteurs de la loi qui enseignaient dans le temple et avec les visiteurs et avec ceux qui demandaient l'aumône. La prière, ce rapport d'amour exclusif avec Dieu, la rend libre de rencontrer quiconque, de cueillir de chacun les signes de la Miséricorde du Seigneur et de donner à tous, librement, les richesses de son cœur. Le jeûne et la prière sont pour elle une source continue de liberté. Mais elle ne se préoccupe pas d’être libre: elle ne veut pas être libre, elle veut seulement servir son Dieu !

Je vois par intuition souvent dans les personnes que je rencontre une façon différente de me traiter. Simplement parce que je suis prêtre. Il n'y a pas de liberté dans leur cœur. Ma présence les oblige à être différents. En moi aussi je remarque cette forme d'esclavage. Et surtout quand je suis vide de prière. La prière -cette action considérée par la plupart des gens une perte de temps me donne la liberté. La prière m'immerge en Dieu et me fait regarder aux hommes avec amour, avec cet amour qui me détourne des réactions instinctives que l'on a vers les hommes, avec cet amour qui me fait voir en eux la personne aimée par le père et non leur tâche et les dimensions de leurs diplômes.

Prière et jeûne, instruments de liberté. Le jeûne non seulement au sens strict, mais comme détachement réel des choses, comme disponibilité à donner et à laisser aux autres ce qui est à moi, que j'ai peiné pour avoir, ce jeûne est un fruit précieux et une source de liberté. Le jeûne, comme abandon des exigences du corps et du cœur parce que la Présence de Jésus est plus grande et plus vraie, c'est le grand don de la liberté.

Le jeûne et la prière sont un service de Dieu qui enrichit la vie de l’homme.

Il me semble que c'est moi qui le sert mais en réalité c'est Lui qui, à travers mes actions, sert mon existence et la fait grandir aux dimensions de l’éternité, jusqu'à arriver à accueillir la Présence du Fils!

Le Fils, parvenu dans mon cœur, me donne la sensation d'une nouvelle parenté, il me donne la certitude d'habiter déjà dans la maison du père là où Lui, le jour et la nuit, vit pour moi.

 

 

LES GRANDS PRETRES ET LES SCRIBES

Mt 2,4

" Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple et ils' enquit auprès d'eux

du lieu où devait naître le Christ "

Je suis submergé par les livres. Des armoires, des étagères, le grenier remplis de livres. Livres anciens et revues au dernier cri. On envie ceux qui les ont écrits. Parfois ils me font de la peine. En tous cas, je me fais compassion moi-même. J'ai passé des périodes de ma vie, des mois et des années, où j'étais convaincu que le savoir, l'instruction, la connaissance de ce qui était écrit sur ces piles de papier, était la vie et le salut. Je lisais pendant la journée, je lisais la nuit. Je soulignais, je conseillais aux autres de lire. Ce n'étaient pas des lectures frivoles, ni mauvaises. Elles étaient bonnes. Elles parlaient de Dieu, de la connaissance que les hommes ont de lui ou veulent avoir. Elles parlaient de Jésus, de son enseignement, de son œuvre. Elles me faisaient connaître le sens et la signification expresse ou présumée de la Parole de Dieu. Ceux qui avaient écrit devaient avoir eu un grand amour pour le Seigneur et pour sa Parole.

Toutefois, quant à moi, je lisais pour connaître, pour savoir, pour devenir grand, pour remplir ma mémoire de concepts et de belles phrases sur mon Dieu, pour être au niveau de ceux qui parlaient de Lui, pour pouvoir enseigner aux autres ce qui, avec fatigue et enthousiasme me donnait l'occasion d'apparaître sage et informé. L'amour pour le père et l'obéissance à Jésus n'étaient pas exclus en théorie, mais ne trouvaient ni le temps ni l'espace ni les décisions pour se développer.

Je voulais prendre les informations sur Dieu en tâchant de me convaincre que c'était pour le grand amour que je lui portais. Mais avec Lui je ne perdais pas de temps. Je le perdais avec les informations. A présent je sais que c'était une perte de temps et un gaspillage d’énergies que d'être fermé à l'action de l'Esprit.

Les grands prêtres et les scribes interrogés par Hérode font étalage de leur érudition. Ils savent où doit naître le Messie. Ils le savent avec précision.

Ils l'ont découvert dans les livres des prophètes. Ils ont employé une mémoire et une intelligence exceptionnelles pour repérer dans les longs rouleaux de parchemin ces nouvelles. Ils étudient et il savent. Ils savent donner des informations à ceux qui les leur demandent. Ils sont à disposition du roi. Quel honneur pour eux de pouvoir expliquer au roi cette nouvelle et le convaincre! Que le Messie devait naître à Bethléem; un petit village voisin, peu important sinon pour cette référence. Quel prestige auprès des gens: seulement eux connaissent ces choses. Les gens les savent parce qu'eux les leur ont fait connaître. Eux les savent parce qu'ils les ont lues. Aux yeux des hommes ils ont beaucoup de chance. Peut-être le Seigneur aussi jouit du fait: qu'ils sachent, qu'ils aient étudié avec attention, participation et diligence de façon à savoir ce qu'il a fait écrire aux prophètes. Mais le Seigneur, le Père, attend quelque chose d'autre.

Il avait donné ces nouvelles au moyen de ses prophètes pour que son Fils, destiné à conduire son peuple, fût accueilli, cherché, aimé, obéi, écouté, adoré, exalté. Dieu avait fait savoir ce qui était utile et nécessaire pour que 1'homme se laisse sauver par Lui par l'intermédiaire de son Messie.

Le père s'attend des hommes un cœur prêt à adorer et glorifier son Fils, un cœur prêt comme celui des Mages.

Eux, les scribes et les grands prêtres se contentent de savoir. Il ne leur manque rien. Ils jouissent de l'estime et de la renommée, ils sont importants. Tous s'inclinent devant eux et écoutent avec attention leurs paroles. Rien d'autre ne sert à leur vie. Quel salut peuvent-ils encore s'attendre? Si le Messie arrivera, il se pliera lui aussi devant eux: il tiendra certainement compte de leur savoir, il les laissera continuer à étudier les Ecritures, à informer le peuple, à être recherchés et honorés. Il n'y a pas besoin de s'agiter pour le chercher. Ils laissent que les autres, les païens, les pauvres, les ignorants se mettent en mouvement. Eux, ils ne le cherchent pas, ils ne s'en servent pas. Lorsqu'il viendra, il les consultera et eux seront encore plus honorés !

Ma position devant les Ecritures et devant Dieu serait encore la même si sa miséricorde n'était pas intervenue. Il m' a permis de me découvrir pécheur, et encore plus pécheur que moi-même, jusqu'à battre les records de péché. Ainsi moi, qui savait tant à l'égard de Dieu, je me retrouvais loin de ses désirs. Ma connaissance de Lui ne m'aidait pas à sortir, à me sauver. J'ai dû chercher son amour. J'ai dû me présenter à Lui pour me laisser aimer et me laisser traiter avec miséricorde. Ce pas me l'a fait connaître davantage mais avec le cœur, non à travers les livres. Le fait de connaître Dieu avec le cœur me porte à perdre du temps avec Lui, mais pas avec ce que les hommes découvrent de Lui. Connaître Dieu avec le cœur me porte à chercher Jésus, dans une grotte obscure de Bethléem. Si les autres ne me demanderont plus rien de Dieu, que m'importe? Mes réponses les meilleures ne valent pas celle qu'ils découvriraient par intuition en me voyant agenouillé devant le berceau d'un Enfant ou devant le sépulcre du Ressuscité, ou devant le Pain rompu pour la faim des hommes.

Et moi aussi je ne demanderai plus rien de Dieu sinon à ceux qui l'ont aimé et cherché avec le cœur et ont accueilli son Fils ré à Bethléem !

Ce ne sont plus mes paroles, celles grappillées sur les livres, qui donnent de l'espoir aux hommes, mais c'est le fait de courir vers Lui avant tout, pour le voir, l'entendre, pour lui donner mon amour et ma force, pour me laisser commander par ses signes. Il attend avec patience, et ce n'est même pas moi qu'Il attend: Il attend seulement le regard du Père. Je ne vais pas à Lui parce qu'il ait besoin de moi, mais parce que, loin de Lui, je serais toujours comme l’eau qui ne se calme sinon quand elle atteint la mer.

 

 

MARIE E T JOSEPH

Mt 2,14

 

" Joseph se leva, prit avec lui l'enfant et sa mère, de nuit, et se retira en Egypte "

Combien de fois on m'a adressé des questions comme celle-ci: voilà, qu'ai-je gagné en allant à la Messe, en étant honnête et bon? Juste à moi qui ai cherché d'obéir au Seigneur, il m' arrive ce malheur? Qu'ai-je fait de mal ?

Oui, dans la mentalité du monde il y a cette conviction: celui qui opère bien mérite le bien, celui qui fait le mal mérite le mal. Celui qui souffre doit avoir fait quelque chose. Et s'il n'a rien fait de mal, c'est une injustice de la part de Dieu. Quelqu'un, à vrai dire beaucoup de monde, arrive à ce blasphème.

Je crois que cette attitude vient d'une différente interprétation des mots bien et mal. Dieu doit donner à ces mots un sens différent par rapport à l'homme, un sens plus complet, plus profond, moins superficiel, plus clairvoyant, plus exact. L’homme mesure le bien avec le mètre des quatre-vingt ans et du "tout de suite". Dieu le mesure avec le mètre de l’éternité et de "tout en son temps".

Ainsi l’homme ne comprend pas les intentions et les méthodes de son Dieu.

L’homme encore mesure le bien en partant de soi et en arrivant à soi: son mètre devient donc un cercle qui exclut les autres et qui devient une chaîne. Dieu mesure le bien en partant de son amour pour nous et de nous et en arrivant à tous: son mètre ainsi ne termine plus et devient un accueil éternel.

Il serait bon que l’homme puisse user le mètre de Dieu pour mesurer le bien! Mais c'est souvent impossible car nos bras n'arrivent, pas à s'élargir comme les siens pour le tenir et nos yeux ne sont pas assez hauts pour voir où il arrive!

Je cherche du moins de ne pas employer le mètre de l’homme et de laisser Dieu libre d'employer le sien. Tu sais, père, ce qui est bien pour moi. Tu sais ce qui est bien pour l'Eglise. Tu sais ce qui est bien pour le monde entier et pour les générations futures. S'il m'arrive quelque chose de mal, tu sais déjà pourquoi, tu as déjà même prévu dans tes projets de transformer ce "malheur" en un agréable don d'un amour plus grand; ainsi que le maçon. qui néglige de mettre des briques dans le mur de la maison, et ce vide deviendra une fenêtre pour que le soleil puisse entrer, ou une porte pour que puisse entrer l'amour!

Joseph et Marie doivent avoir raisonné ainsi pendant que ce don immense q'ils avaient reçu, cet Enfant, commençait à devenir lourd, à affaiblir les bras et à fatiguer les jambes et les pieds, les obligeait à laisser les parents et les amis, un travail sûr et une maison toute prête, pour s'en aller errer qui sait où. Le lieu où ils se dirigeaient leur rappelait un autre Joseph, auquel l'amour de son père avait eu comme conséquence d'être vendu, de vivre en esclavage et enchaîné. Mais son Dieu l'accompagnait jusqu'au fin fond des prisons égyptiennes, dans la plus grande disgrâce. Ce Dieu avait mesuré les temps que l'homme ne mesure jamais et avait préparé dans la douleur un avenir de salut et d’espéance. Joseph et Marie se rappelaient que Dieu conduit au bien toutes les choses pour ses fils, qu'Il met à l'épreuve et donne la victoire à l'humble qui se soumet. Ils se rappelaient que Dieu a des temps plus longs que les nôtres à préparer. Ces souvenirs devenaient force et joie. Joie et force pour vaincre les tentations du monde qui se faisaient entendre quelquefois même par la voix de personnes jusque là amies: Que te sert-il d'être le père du Fils de Dieu? Que te revient-il d'être la mère du Sauveur? De quel type de roi s'agit-il? Ne serait-ce pas toute une duperie?

Marie et Joseph rendaient leur silence encore plus silencieux. Qui sait combien sont grands les desseins de Dieu! Si Joseph vendu comme esclave est devenu vice-roi d'Egypte, quelle gloire prépare Dieu pour cet enfant! Dieu est grand, il connaît l’histoire future. S'il veut la préparer avec notre souffrance, avec notre fatigue, avec notre encore plus grande pauvreté, nous voici! Si notre vie peut servir pour la joie de beaucoup de personnes et pour que beaucoup d'hommes puissent devenir fils pour Dieu, la voilà. Nous la donnons à cet enfant.

Si nous devons souffrir ainsi pour lui, qui sait combien Il devra souffrir pour nous'!

Dieu est grand, Dieu sait, Dieu conduit. Nous sommes à Lui. Notre vie à ses yeux est plus précieuse qu'aux nôtres parce qu'elle est à Lui! Nous nous laissons conduire par Lui même dans le désert, même dans l’obscurité, dans la nuit. Les mains des hommes ne peuvent qu'opérer les desseins de Dieu pour le salut et l'amour. Rendons gloire à Dieu!

Joseph et Marie ne voyaient plus que cet enfant confié dans leurs mains. Pourvu qu'Il vive, pourvu qu'Il soit protégé, pourvu qu'Il grandisse, nous pouvons tout supporter."Je puis tout en Celui qui me donne la force".

Le mètre de l'amour de Dieu avait rejoint Marie et Joseph. Et ils se laissaient mesurer par ce mètre et ils n'en voulaient pas un autre.

Moi non plus je n'en veux pas un autre. Je sais que mon Dieu est père et ne cède à personne sa Paternité. Je sais que ma vie est précieuse à ses yeux. Personne ne me fait plus peur même si on me dit que ma prière est inutile et que mon obéissance ne sert à rien et que mon Dieu ne paie pas bien; Je ne me sers plus du mètre des hommes. Le bien pour moi c'est ce que Dieu veut pour moi et ce qu'il permet pour moi. Et je sais que c'est un bien non seulement pour moi mais pour ceux aussi qui voudraient m'en priver en m'éloignant du Cœur du Père.

Exactement comme la fuite nocturne de Joseph et Marie a été un bien pour eux et pour moi.

 

 

JESUS

Lc 2,49

" Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois m'occuper des choses de mon père?"

Chercher Jésus

C'est une entreprise parfois angoissante. Il semble de ne plus le voir, de ne plus l'entendre, de l'avoir perdu pour toujours. Il te semble que sa Présence, si douce, si belle et satisfaisante, qui te donnait la joie de vivre soit dans la solitude qu'en compagnie, a disparu. Et c'est comme si la vie avait disparu. Tout devient obscur, tout devient vide, comme si on avait été trompés.

Pourquoi? Il me semble l'avoir compris par intuition et je veux le dire.

Je trouve en effet beaucoup de personnes, âgées et moins âgées, qui me confient d'avoir perdu la foi. Elles sont désespérées -ou presque- parce qu'elle pensent ne plus pouvoir voir Jésus, ni l'aimer, ni jouir de sa Présence. Quelqu'un continue en souffrant à chercher Jésus, le Jésus de l'enfance, de sa propre enfance spirituelle, ce Jésus "tout pour moi", ce Jésus "Enfant" qui te laisse l'idée et la satisfaction de pouvoir dire de vivre pour Lui. A ceux-ci je dis généralement:

Enfin! Finalement tu as perdu Jésus! Finalement Jésus est mort en toi! Voici l’heure nouvelle, l'heure véritable de ta vie!

Marie et Joseph cherchaient leur enfant. Ils le cherchaient "avec angoisse". Ils le cherchaient parmi les parents et les connaissances, parmi les hommes. Ils le cherchaient nuit et jour. S'il est perdu, tout est perdu. La vie, destinée par Dieu à faire grandir et à protéger son Fils, a complètement échoué. Il n'y a plus ce fils pour lequel ils vivent, pour lequel ils souffrent, pour lequel ils ont été choisis parmi tous. Leur angoisse est bien compréhensible, plus que normale. Douze ans avant ils avaient porté cet enfant au temple et l'avaient offert au Seigneur. Puis, moyennant l'offrande de deux colombes, ils l'avaient racheté. Le Fils de Dieu était leur fils. Ils avaient l'honneur secret de vivre pour Lui et avec Lui. A présent ils doivent retourner au temple, non plus pour le porter mais pour le reprendre. Il est là. En montant les gradins Marie et Joseph doivent s'être souvenu que plusieurs siècles avant, sur ce même mont, Abraham était monté pour livrer à Dieu, moyennant le couteau et le feu, son propre fils unique Isaac: un fils reçu comme don de Dieu. Ils étaient exactement en cet endroit. Quel présage, quels pressentiments s'agitaient dans leur cœur! Donner à Dieu leur fils, celui que Lui-même leur avait confié! Non, ce n'est pas facile, ce n'est pas compréhensible, ils n'y arrivent pas. Après douze ans de fatigue, de foi mise à dure épreuve, de don total de soi, ce n'est pas possible. Ils n'arrivent pas à le confier pour toujours à Dieu: mais voilà, c'est lui-même qui, avec une douce violence, sépare sa vie de la leur, vraiment comme si le couteau d'Abraham arrivait à pénétrer dans le cœur non du fils, mais des parents: " Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois m'occuper des choses de mon père? "

Le soupir de soulagement pour l'avoir trouvé se transforme en un silence profond. Ils ont trouvé l'enfant mais ce n'est plus celui d'avant, ce n'est plus celui qu'ils cherchaient. Ils cherchaient le fils qui leur appartenait et trouvaient un fils qui ne leur appartient plus. Ils cherchaient un Jésus qui devait leur obéir, leur donner joie et satisfaction, qui devait leur donner la certitude d'être aimés par Dieu et d'être en ordre, et ils trouvent un Jésus qui obéit à quelqu'un d'autre, qui propose à eux aussi une obéissance nouvelle. S'Il obéit au père, ils ne pourront plus lui commander, au contraire, ils devront se soumettre, rester à l'écoute du père, laisser le Fils libre de lui obéir, obéir eux-même à l'obéissance du Fils. Ils cherchaient un fils reconnaissant pour les fatigues affrontées pour lui et ils trouvent un fils qui demande de nouvelles fatigues sans récompenses. Le Jésus ''tout pour eux" est mort, le Jésus qui donne satisfaction et les rend contents de le posséder est mort pour toujours. Ils ne l'auront plus.

Ils pourront vivre seulement avec un Jésus qui vit pour le père, qui tâche de contenter Lui seul. Ils ne pourront plus lui commander, ils pourront seulement l'observer et lui obéir et donner leur vie en sachant qu'il ne dira pas merci, mais qu'il la présentera au père avec la sienne.

C'est l'expérience qu'a eu Marie de Magdala vingt ans après environ. Elle cherchait Jésus dans le jardin de la sépulture. Lorsqu'elle l'a trouvé ce n'était plus un Jésus pour elle, elle ne pouvait plus le retenir. c'était un Jésus qui l'envoyait annoncer avec la parole et témoigner avec la joie qu'il était vivant. Elle a trouvé un Jésus nouveau, qui accueillait sa vie et ses énergies pour les donner aux hommes comme propriété à Lui. Elle a trouvé un Jésus qui ne donnait pas joie et satisfactions mais devoirs et mission. La joie aurait augmentée, aurait été différente, même plus grande en sachant simplement d'être à Lui, propriété et instruments à Lui.

L'expérience de Joseph et Marie est celle que je dois traverser. J'ai reçu des dons et des qualités, une vie et une tâche, j'ai même reçu la vie de Jésus à garder. Le père, qui me les a donnés, voudra s'assurer qu'ils sont encore à Lui, que je ne m'en suis pas approprié. Lui-même donc me demandera, maintes fois, de les lui donner, de détacher mon cœur d'eux, de les sacrifier. Il me demandera de faire comme Abraham. Il me demandera de ne pas chercher ma joie et ma sécurité

dans ses dons, même pas en Jésus, mais de Lui donner encore et complètement ma vie entière, de l'unir dans l'obéissance à celle de son Fils qui s'occupe de ses choses.